𝗗𝗘́𝗣𝗢𝗦𝗜𝗧𝗜𝗢𝗡 𝗗𝗘 𝗟𝗔 𝗦𝗧𝗔𝗧𝗨𝗘 𝗗𝗘 𝗞𝗢𝗖𝗘𝗜𝗟𝗔 : 𝗔𝗚𝗥𝗘𝗦𝗦𝗜𝗢𝗡 𝗠𝗘́𝗠𝗢𝗥𝗜𝗘𝗟𝗟𝗘
C’est au moment où Alger conditionne ses relations diplomatiques et économiques par la surenchère victimaire que l’innommable est commis. Sitôt installée à Khenchela, la statue du résistant Koceila a été déposée par la municipalité qui était pourtant informée de l’initiative de longue date. On aurait tort de sous-évaluer la portée de cet affront. On peut, en effet, raisonnablement supposer que ce n’est pas cette instance qui est à l’origine d’une manœuvre qui a aussitôt déclenché des protestations indignées de la part des populations locales et, plus généralement, sur la toile. On est en droit de voir là une manifestation de plus de l’État profond, mu par un fondamentalisme religieux totalitaire, qui a infiltré l’ensemble des démembrements de l’État.
La soumission des institutions aux diktats islamistes n’a jamais atteint pareil niveau. Après la mainmise politique révélée par une hégémonie sans précédent sur le monde de la culture – les censures constatées lors du dernier SILA en furent une illustration patente - on assiste, à travers cette agression, à une mutilation symbolique de la nation lourde de sens.
Le régime se satisfait du fait que la pieuvre islamiste qui impose ses conceptions et décisions ne pratique pas la violence. Le FIS avait recouru à l’action armée pour s’emparer de l’État. Dès lors que les attributions des institutions sont confisquées par le pouvoir parallèle, la violence n’a plus lieu d’être.
La situation actuelle marque un recul moral, intellectuel, idéologique et politique sans précédent. Les récents abus administratifs, parmi lesquels on peut citer les interdictions de cafés littéraires, l’imprimatur imposé aux éditeurs, la loi rendant quasiment impossible la réalisation d’un film ou l’arrestation de Sansal, s’accumulent dans une rancœur et un ressentiment dont nul ne peut prédire les coûts et les conséquences.
Réintégrer l’Algérie dans son histoire et le monde moderne exige un sursaut des énergies patriotiques demeurées libres et intègres et combattre l’imposture historique est la mère de toutes les batailles. La statue de Okba trône depuis longtemps à Biskra. Des voix se sont élevées pour estimer que cette consécration construit une partie du passé algérien. Soit. Le coût de cette reconnaissance doit-il nécessairement être la disqualification de celui qui s’est opposé à lui pour préserver la souveraineté de son peuple ? Ce que combattaient les nationalistes algériens contre l’ordre colonial, c’était moins le fait que les Européens aient honoré les rites chrétiens que de s’employer à effacer les repères qui les avaient précédés sur la terre algérienne. Il y a là comme une nouvelle colonisation de notre mémoire.
L’attaque de Khenchela vient rappeler deux problématiques récurrentes dans notre histoire contemporaine : l’amputation ou la falsification de l’Histoire qui sont à la base de l’impasse algérienne.
Tant que le débat sur la question nationale, toujours nié, occulté, biaisé ou réprimé, ne sera pas librement et rigoureusement tranché, les diverses contraintes bloquant la cohésion et le développement de la nation demeureront sans solutions.
Saïd SADI